1941-2011, 70 ans pour un jour d’infamie

Le 7 décembre 1941, la base navale américaine à Pearl Harbor est attaqué par le Japon. Subitement, le monde bascule. En effet, l’attaque japonaise sur Pearl Harbor va provoquer l’entrée en guerre des États-Unis.

Pearl Harbor et sa flotte

Pearl Harbor constituait la plus grande base navale américaine de l’océan Pacifique. Elle était relativement isolée dans l’océan Pacifique, à 6 500 km de Tokyo.

La flotte de guerre américaine du Pacifique comprenait alors 86 unités, 28 destroyers, 9 croiseurs, 8 cuirassés, 4 sous-marins, un cuirassé-cible (l’USS Utah) et une trentaine de bâtiments auxiliaires. On comptait enfin 25 000 hommes sur la base et environ 300 avions et hydravions de l’USAAF et de l’aéronavale sur l’île. Le général Walter Short était le commandant des forces terrestres tandis que la flotte du Pacifique était sous les ordres de l’amiral Husband Kimmel. La défense des installations et des ateliers de réparation était assurée par la DCA et les défenses littorales.

Le but de l’attaque

L’objectif de l’attaque était d’anéantir la flotte américaine stationnée à Pearl Harbor et de contraindre les forces américaines à quitter Hawaï pour se replier sur les bases de Californie. Il fallait par ailleurs réduire en cendres les docks, les ateliers de réparation et le champ de réservoirs contenant les approvisionnements en mazout pour la flotte du Pacifique, sans oublier les aérodromes de Wheeler Field et d’Hickham Field. Le Japon voulait aussi effacer l’humiliation des sanctions économiques prises par Washington. Les préparatifs de l’attaque furent confiés au commandant en chef de la flotte Isoroku Yamamoto.

Le 26 novembre, l’armada de la marine impériale japonaise quitta secrètement le Japon. Elle se dirigea vers l’archipel d’Hawaï par le nord en empruntant une route peu fréquentée. Elle se composait d’une force de choc qui comportait notamment six porte-avions (Akagi, Hiryū, Kaga, Shōkaku, Sōryū, Zuikaku) et plus de 400 avions : des avions de chasse Mitsubishi A6M (Zéros), des bombardiers-torpilleurs Nakajima B5N (Kate) et des bombardiers en piqué Aichi D3A (Val). S’y ajoutait une flotte de reconnaissance comprenant 22 sous-marins, cinq sous-marins de poche (emportant chacun deux hommes et deux torpilles de 450 mm) et trois croiseurs légers. Huit bateaux de ravitaillement en carburant accompagnaient l’expédition.

Le 6 décembre, la flotte qui se trouvait à 370 km au nord de Pearl Harbor, reçut le signal de l’attaque : « Grimpez sur le mont Niitaka ».

L’attaque

Isoroku Yamamoto et d’autres généraux avaient prévu une attaque en trois vagues mais le vice-amiral Chuichi Nagumo décida de n’en retenir que deux. Le nombre total d’avions impliqués dans l’attaque était de 350. Quatre-vingts-onze avions furent engagés dans la protection des porte-avions et des navires.

Ce fut dans la nuit du 6 au 7 décembre que les opérations débutèrent massivement, l’aube permettant de réduire les précautions à prendre pour éviter d’être repéré et accélérer ainsi la vitesse de progression.

Effets pyrotechniques au meeting de Cerny 2011 (Tora! Tora! Tora!)

La première vague

C’est entre 6 h et 7 h 15 que la première vague de 183 avions, conduite par le capitaine Mitsuo Fuchida, s’envola vers Pearl Harbor. Elle comprenait :

• 49 bombardiers moyens d’altitude (horizontaux) Nakajima B5N2 Kate
• 51 bombardiers en piqué Aichi D3A1 Val
• 40 bombardiers torpilleurs Nakajima B5N2 Kate
• 43 avions de combat Mitsubishi A6M2 Zéro.

Leur présence ne fut détectée que vers 7 h par deux soldats américains à la station radar d’Opana Point. Ces derniers ne furent pas pris au sérieux par un nouvel officier, le lieutenant Kermit A. Tyler, convaincu qu’il s’agissait de six bombardiers B-17 qui arrivaient de Californie et qui étaient attendus.

Vers 7 h 30, le premier avion japonais fit une reconnaissance dans les alentours et donna le signal : « Pearl Harbor dort. »

Les premiers avions survolèrent la base américaine à 7 h 40. Les avions torpilleurs volaient à basse altitude et provenaient de différentes directions. Les bombardiers volaient quant à eux à haute altitude.

À 7 h 53, les premières bombes nippones furent larguées et les avions se mirent en formation d’attaque. Le contre-amiral Patrick Bellinger donna l’alerte.

Cinq sous-marins Ko-hyoteki torpillèrent les bateaux américains après le début des bombardements. Sur les dix hommes qui se trouvaient à bord des sous-marins, neuf trouvèrent la mort ; le seul survivant, Kazuo Sakamaki, fut capturé et devint le premier prisonnier de guerre japonais fait par les Américains au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une étude de l’institut naval américain conduite en 1999 indique qu’une torpille toucha l’USS West Virginia qui devint la première cible de l’attaque japonaise.

Cette première vague était divisée en six unités dont une dirigée sur le poste militaire de Wheeler Field. Les Japonais exploitèrent les premiers moments de surprise pour bombarder les navires les plus importants, situés principalement à l’est de la rade. Chacune des attaques aériennes commençait par les bombardiers et finissait par les unités de combat afin de contrer d’éventuels poursuivants. La première attaque engagea le flanc droit de l’ennemi.

Réplique de Zéro japonais sur la base d’un North American T-6 basé à Saint Rambert d’Albon.

Zéro japonais sur la base d’un North American T-6, propriété de l’AJBS, basé à Cerny.

La deuxième vague

À 8 h 30, la deuxième phase de l’attaque forte de 167 appareils visa le flanc gauche et utilisa davantage de bombardiers en vol horizontal. Elle comprenait :

• 54 bombardiers moyens d’altitude (horizontaux) Nakajima B5N2 Kate
• 78 bombardiers en piqué Aichi D3A1 Val
• 35 chasseurs Mitsubishi A6M2 Zéro.

Elle fut menée par le lieutenant-commandant Shigekazu Shimazaki. Elle était divisée en quatre unités dont l’une fut lancée sur la base de Kānehohe, à l’est de Pearl Harbor. Les différentes formations arrivèrent presque en même temps sur le site depuis plusieurs directions.

La seconde vague s’acheva à 9 h 45. Après l’attaque, des avions survolèrent le site afin d’étudier les dommages et de faire un rapport.

Défense américaine

Les hommes qui se trouvaient à bord des navires américains furent réveillés par les explosions. Le fameux message « Air raid Pearl Harbor. This is not a drill » (« Attaque aérienne sur Pearl Harbor. Ceci n’est pas un exercice ») fut prononcé par le commandant Logan Ramsey à 7 h 58, cinq minutes après les premières bombes. L’amiral Husband Kimmel alerta Washington DC quelque temps après.

En dépit du manque de préparation et des scènes de panique, plusieurs militaires se sont illustrés durant la bataille. L’amiral Isaac C. Kidd et le capitaine Franklin Van Valkenburgh se ruèrent sur le pont de l’USS Arizona afin d’organiser la défense et furent tués par l’explosion d’un dépôt d’armes tout proche. Les deux hommes furent honorés de manière posthume par la médaille d’honneur. L’enseigne Joe Taussig mit l’USS Nevada en route pendant l’attaque. L’un des destroyers, l’USS Aylwin, fit de même avec seulement quatre officiers à son bord, le reste de l’équipage étant composé d’enseignes qui avaient peu d’expérience en mer. Le capitaine Mervyn Bennion, commandant l’USS West Virginia, dirigea son équipage jusqu’à ce qu’il fût tué par des fragments de bombes.

Les premières victimes de l’attaque aérienne se trouvaient sur le sous-marin USS Tautog qui abattit également le premier Japonais. L’afro-américain Doris « Dorie » Miller, qui servait comme cuisinier sur l’USS West Virginia, prit le contrôle d’une mitrailleuse de lutte anti-aérienne et s’en servit pour tirer sur des avions japonais : il en toucha au moins un alors que son navire était bombardé dans le même temps. Il reçut la croix de la marine (Navy Cross) après la bataille. Quatorze marins et officiers furent par ailleurs récompensés par la médaille d’honneur. Une distinction militaire spéciale, la Pearl Harbor Commemorative Medal, fut par la suite décernée à tous les vétérans de l’attaque. Dans le ciel, la seule opposition importante vint d’une poignée de Curtiss H.75 et de Curtiss P-40 Warhawk qui firent 25 sorties et par les défenses anti-aériennes. Des avions décollèrent pour tenter de repérer la flotte japonaise, en vain.

Authentique P-40C survivant de l’attaque japonaise de 1941, il est aujourd’hui la propriété de Stephen Grey et de The Fighter Collection de Duxford.

Bilan de l’attaque du côté américain

Le bilan humain de l’attaque fut lourd : 2 403 Américains dont 68 civils furent tués par les bombes ou les éclats de bombes tombés dans les zones civiles, jusqu’à Honolulu. L’attaque fit également 1 178 blessés.

Près de la moitié des pertes américaines, soit 1 102 hommes, fut provoquée par l’explosion et le naufrage de l’USS Arizona. Celui-ci explosa à cause d’un obus de marine de 400 mm modifié de façon telle qu’il puisse être utilisé comme une bombe par un avion, largué par Tadashi Kusumi. L’incendie de la chaufferie fut sans doute provoqué par une bombe qui entra dans la cheminée 48. La coque de l’Arizona sert aujourd’hui de mémorial. Il continue d’ailleurs de perdre un peu de carburant, quasiment 70 ans après l’attaque.

L’attaque avait visé les cuirassés stationnés dans la rade : l’USS Nevada fut endommagé par une torpille et un incendie ; il fut la cible de nombreuses bombes japonaises lorsqu’il se mit en route et finit par toucher le fond de la rade par l’avant. L’USS California fut touché par deux bombes et deux torpilles. L’équipage reçut l’ordre d’évacuer le navire. L’USS Utah, qui constituait une cible facile, fut touché deux fois par des torpilles. Sept torpilles affectèrent l’USS West Virginia et la dernière eut pour conséquence de détacher le gouvernail. L’USS Oklahoma fut frappé par quatre torpilles et chavira. L’USS Maryland fut atteint par deux obus de marine de 400 modifiés sans subir de dommages sérieux. L’USS Pennsylvania fut touché au cours de la deuxième vague d’attaque alors qu’il était en cale sèche.

Même si les Japonais concentrèrent leurs tirs sur les navires de ligne, ils n’épargnèrent pas les autres cibles. Le croiseur léger USS Helena fut torpillé et le choc provoqua le chavirement du mouilleur de mines USS Oglala situé à côté. Deux destroyers en cale sèche furent détruits lorsque des bombes touchèrent leur réservoir de carburant. L’incendie se propagea à d’autres navires. Le croiseur léger USS Raleigh fut touché par une torpille qui ouvrit une brèche. Le croiseur léger USS Honolulu fut endommagé mais resta en service. Le destroyer USS Cassin chavira et le destroyer USS Downes fut sérieusement endommagé. Le bateau de réparation USS Vestal, rangé bord à bord avec l’Arizona (alors en feu), fut gagné par les flammes qui ravageaient ce dernier et finit par sombrer à son tour. Le navire ravitailleur USS Curtiss fut également endommagé.

La quasi totalité des 188 avions d’Hawaï furent détruits ou endommagés. Lorsque les Japonais arrivèrent au-dessus des aérodromes américains, ils trouvèrent 155 avions stationnés aile contre aile pour éviter le sabotage mais constituant ainsi des cibles idéales. Les attaques sur les casernes tuèrent des pilotes et d’autres membres du personnel. Des tirs amis abattirent plusieurs avions américains.

L’aéronavale perdit treize chasseurs, 67 bombardiers, trois avions de transport et quatre forteresses volantes en plus de la moitié des avions de combat qui se sont retrouvés cloués au sol parce qu’ils avaient été disposés aile contre aile ce qui les empêcha de décoller rapidement. L’aviation de l’armée de terre fut aussi gravement touchée : douze B-18, quatre P-26, vingt P-36 et 32 P-40.

Quelques Catalina (comme celui ci, basé à Duxford), furent détruits au sol,  lors de l’attaque.


Du côte Japonais

Les pertes humaines furent beaucoup moins lourdes : 64 morts (55 aviateurs et neuf sous-mariniers) ; l’enseigne Kazuo Sakamaki fut capturé, premier prisonnier de guerre japonais du conflit.

Le bilan matériel fut aussi limité : les cinq sous-marins de poche engagés furent coulés ou capturés et un sous-marin de croisière fut coulé le 10 décembre (le I-70 avec 121 membres d’équipage, détruit par des avions de l’USS Enterprise). Sur les 441 avions japonais disponibles, 350 prirent part à l’attaque et 29 furent abattus durant la bataille, neuf au cours de la première vague, vingt dans la seconde. 74 autres furent touchés par les défenses antiaériennes et l’artillerie au sol. Le plan audacieux de Yamamoto et de Genda avait atteint ses objectifs.

Cependant, l’armada japonaise s’en retourna sans qu’aucun porte-avions américain ne fût détruit car ils ne se trouvaient pas à Pearl Harbor au moment de l’attaque. L’USS Enterprise rentrait au port et se trouvait à 300 km au début de l’attaque (six des dix-huit SBD qu’il avait fait décoller à 6 h 20 en direction d’Hawaï furent détruits), l’USS Lexington livrait des avions aux îles Midway et l’USS Saratoga était à San Diego en train d’embarquer son groupe aérien et de subir des réparations. D’autre part, presque tous les navires touchés étaient des vieux bâtiments ; 80 % d’entre eux furent remis en état et modernisés après l’attaque. En fin de compte, les pertes matérielles les plus graves furent celles des 155 avions et des dégâts matériels dans la base.


Finalement, l’attaque japonaise sur Pearl Harbor fut une brillante réussite tactique mais un échec du point de vue stratégique. Malgré les pertes, la base resta opérationnelle (le port, les pistes, les réservoirs de carburant et les ateliers de réparation ne furent pas détruits ou seulement marginalement). Yamamoto aurait dit : « Je crains que tout ce que nous avons réussi à faire est de réveiller un géant endormi et de le remplir d’une terrible résolution. »

Entrée en guerre des États-Unis

Après l’attaque japonaise sur la base navale américaine, le président Roosevelt engagea son pays dans la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Les Japonais firent une déclaration de guerre officielle mais à cause de divers contretemps, elle ne fut présentée qu’après l’attaque.

Le 8 décembre 1941, le président Roosevelt déclara : « Hier, 7 décembre 1941 – une date qui restera à jamais marquée dans l’Histoire comme un jour d’infamie – les États-Unis d’Amérique ont été attaqués délibérément par les forces navales et aériennes de l’empire du Japon. Les États-Unis étaient en paix avec le Japon et étaient même, à la demande de ce pays, en pourparlers avec son gouvernement et son empereur sur les conditions du maintien de la paix dans le Pacifique. Qui plus est, une heure après que les armées nippones eurent commencé à bombarder Oahu, un représentant de l’ambassade du Japon aux États-Unis a fait au secrétariat d’État une réponse officielle à un récent message américain. Cette réponse semblait prouver la poursuite des négociations diplomatiques, elle ne contenait ni menace, ni déclaration de guerre. J’ai demandé à ce que le Congrès déclare depuis l’attaque perpétrée par le Japon dimanche 7 décembre, l’état de guerre contre le Japon. »

1 Commentaire

    • Delfino B. sur 7 décembre 2011 à 11 h 00 min
    • Répondre

    Excellent article Olivier !!! On a envie de dire Encore ! Encore ! 🙂

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