Les Spitfire de la France Libre

Dépourvue de chasseurs modernes en quantité, la France s’intéresse dès 1939 au Spitfire de Supermarine. Un unique Spitfire Mk I sera d’ailleurs livré et pris en charge par l’Armée de l’Air en juillet 1939. Après la guerre, la France utilisera le Spitfire pendant plusieurs années, l’employant au combat en Indochine, tandis que l’aéronavale emploiera la version navalisée du chasseur britannique, le Seafire.

Entre ces deux périodes, des pilotes français vont voler et s’illustrer sur ce légendaire appareil, au sein des Forces Aériennes Françaises Libres. Voici un aperçu de quelques-uns de ces appareils et de ceux qui les menèrent au combat…

Spitfire Mk I, No 64 Squadron, piloté par le S/C Maurice Choron, automne 1940. (Profil © Gaëtan Marie)

Maurice Choron fait partie des premiers pilotes français à rejoindre l’Angleterre et intègre la RAF dès août 1940. Après un rapide passage en OTU1, il rejoint le No 64 Squadron et devient le premier français à prendre part à la Bataille d’Angleterre. Il abat un Heinkel 115 le 1er novembre. Maurice Choron disparaît le 10 avril 1942 au-dessus du Pas-de-Calais, lors de la première mission du Groupe FAFL « Ile-de-France ». Il est alors titulaire de trois victoires homologuées et trois autres probables.

Spitfire Mk V, No 91 "Nigeria" Squadron, piloté par le Cpt Jean Demozay, septembre 1941. (Profil © Gaëtan Marie)

Jean Demozay participe également à la bataille d’Angleterre au sein du No 1 Squadron équipé de Hurricane. Il obtient sa première victoire sur un Ju 88 le 8 novembre 1940, une semaine après celle de Maurice Choron. Le nombre de ses victoires augmente, et c’est aux commandes du Spitfire que Demozay se révèle un excellent pilote de chasse. Volant sur Spitfire Mk Vb avec le No 91 Squadron dont il prendra le commandement, il accumule les victoires: 18 victoires homologuées, 2 probables, 4 appareils ennemis endommagés et 400 missions de guerre. Il quitte à regret les opérations en janvier 1943. Il meurt dans un accident d’avion en décembre 1945.

Spitfire Mk Vb, No 340 Squadron "Ile-de-France", piloté par le Cpt Bernard Dupérier, août 1942. (Profil © Gaëtan Marie)

A la création du groupe « Ile-de-France », Bernard Dupérier prend le commandement du B Flight (Escadrille « Versailles »), puis du groupe entier après la disparition de Philippe de Scitivaux le 10 avril 1942. Initialement équipé de Spitfire Mk I et II, le groupe reçoit en mars 1942 des Spitfire Mk V, une version mieux motorisée et armée de canons introduite en urgence pour contrer le Fw 190 en attendant l’arrivée du Spitfire Mk IX. Lors de l’opération Jubilee (raid sur Dieppe, le 19 août 1942), les appareils du groupe arborent des bandes blanches distinctives. Dupérier effectue 4 missions de soutien ce jour-là, abattant en collaboration un bombardier allemand et en endommageant un autre.

Spitfire Mk II, 61 OTU, RAF Rednal, novembre 1942. (Profil © Gaëtan Marie)

Le point de départ pour tous les pilotes français qui s’illustreront sur le Spitfire: les appareils d’entraînement des OTU (Operational Training Unit, unité de transformation opérationnelle), souvent d’anciens appareils de première ligne usés par les combats. Il s’agit ici du premier Spitfire que Pierre Clostermann pilota, en novembre 1942. Totalement dépassé par les chasseurs allemands contemporains, le Mk II n’est plus utilisé en première ligne en novembre 1942 mais peut toujours rendre service. Clostermann écrira à son sujet dans Le Grand Cirque:

Quelle douceur de commandes délicieuse! La moindre pression du pied ou de la main suffit pour lancer l’appareil dans le ciel. La vitesse est telle que les quelques secondes qui se sont écoulées m’ont emporté à une dizaine de kilomètres de l’aérodrome. La piste noire n’est plus qu’un trait de fusain à l’horizon. Timidement! j’essaie un virage,je repasse au dessus de ma base et je retourne à droite et à gauche. Tirant sur le manche légèrement je monte jusqu’à trois mille mètres ,en un clin d’œil. […] Toute mon existence je me souviendrai de mon premier contact avec le Spitfire…

Doucement, comme on caresserait la joue d’une femme, je passe la main sur l’aluminium de ses ailes, froid et lisse comme un miroir, les ailes qui m’ont porté… Enfin j’ai piloté un Spitfire…

Spitfire Mk IXc, No 602 Squadron, piloté par le P/O Pierre Clostermann. (Profil © Gaëtan Marie)

Le Mk IX est l’aboutissement de la lignée des Spitfire à moteur Merlin, et est souvent considéré comme le plus beau et le plus achevé de tous les Spitfire. Ce Mk IXc était piloté par Pierre Clostermann. Après avoir volé au sein du No 341 Squadron « Alsace », Clostermann est affecté au No 602 Squadron. « City of Glasgow ». Décoré du lion rouge, emblème de la ville, et de la croix de Lorraine, ce Spitfire terminera sa carrière dans l’armée de l’air italienne en 1947. Clostermann n’a probablement pas remporté de victoires avec cet appareil, mais remporte 4 victoires sur d’autres appareils du Squadron avant de passer sur Hawker Tempest.

Cet article de Bertrand Brown (alias Gaëtan Marie) est extrait de la Newsletter du French Wing de la Commemorative Air Force de janvier 2011. Toute reproduction, même partielle, du texte et des illustrations est interdite sans l’accord préalable de l’auteur.

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